Tout se sent vaguement éternel sous l'ombre des platanes de Sannes. Le bleu regard de l'air invite les pas sur l'allée de terre blonde qui mène au château. Le vieux moulin boit le vent doux au-dessus des traits verts que dessinent les vignes sur le Luberon. Le soleil alourdit les cerisiers du rouge de l'été dans le parfum mauve de la lavande.
À l'heure où le soleil évapore la rosée, ses volets fermés s'ouvrent à la chaleur pour y laisser entrer, avec le matin tendre, les parfums nocturnes des vignes. On dirait que ses murs respirent les fleurs du jardin. La vie apparaît à chaque fenêtre. Les bruits que l'aube fait naître, le pas des amis sous les gypseries blanches montent avec le jour.
Quand vous vous asseyez sous les oliviers de Sannes, dans ce paysage d'une pureté de lignes extraordinaires, vous pouvez apprendre des choses, qui sont des points de soleil, des réalités extrêmement vivantes.
Il y a autant à voir dans un olivier que dans tout le reste du monde. Ses branches minérales, son tronc presque humain parlent dans la lumière du soir. Il faut prendre le temps de les regarder comme ils se sont donnés le temps de vivre en harmonie avec le travail des hommes.
Parterres, pièces d'eau, promenades régulières, bois très irréguliers, jardin à la française, vallons, prés, étangs, vignes, champs d'oliviers, avec des murs de partage couverts de fleurs et d'arbres fruitiers, du peigné et du sauvage... Le jardin de Sannes équilibre l'intelligence et les sens.
Si seules les pensées que l'on a en marchant valent quelque chose, c'est le chemin qu'il faut emprunter. La musique du silence, la promesse du soir, les harmoniques de la brise dans les feuilles de vigne rougissantes, l'odeur du tanin, les bois qui font rêver, le charme d'un étang caché, la substance du vivant ; soudain vous habitez le paysage. Il doit pouvoir être heureux, celui qui a ce sentiment juste ici, heureux du matin jusqu'au soir, dans la clarté pure.
C'est le soir, après le coucher du soleil, à cette heure où la lumière se prolonge au-delà de ce qu'on espérait, avant que la nuit ne l'emporte. C'est une heure où la lumière semble émaner de l'intérieur des murs et monter de l'eau que nos bras séparent. Il se produit une métamorphose
